Mars 2021. Nous apprenons la disparition de Jacques Frantz.

Seulement quelques mois après celles de Roger Carel et Patrick Poivey, autres grandes figures du doublage, c’est un coup de massue qui s’abat sur le monde de la synchro. Hébétés que nous sommes, il nous est difficile d’imaginer chose pareille tant la voix de Jacques Frantz appartient à notre mémoire collective. C’est le paradoxe du doublage : un comédien qui nous est totalement étranger, fait pourtant partie de nos vies. Nous avions tous le sentiment de le connaître tant il était présent au travers des films et séries qu’il a doublés. Au fil des œuvres auxquelles il a participé, il nous a tantôt rassurés, tantôt fait sourire, parfois même effrayés. Cette voix était si proche et pourtant si éloignée de nos vies. Celle d’un ami qui nous était finalement inconnu.

Il était l’un des plus grands comédiens de sa génération et un géant du doublage. Sa voix, « blanche » comme il aimait à la définir, nous a accompagnés pendant quatre décennies. 40 ans durant lesquels il est impossible d’être passé à côté tant il la posait, en doublage, sur de véritables monstres sacrés du septième art. Robert De Niro, Mel Gibson ou Nick Nolte sont quelques-uns des acteurs hors normes à qui Jacques Frantz a prêté son timbre vocal chaleureux et puissant. Pas simple de doubler des acteurs de cet acabit, aux filmographies si impressionnantes. Impressionné par la tâche à accomplir, Jacques Frantz l’était assurément. Malgré l’expérience, malgré sa connaissance de la technique et malgré son talent, le trac s’immisçait toujours dans l’auditorium au cours des premières heures d’enregistrement d’un nouveau film. Ce trac venait sans doute de la peur viscérale de trahir l’acteur à l’écran. C’était un gage de perfectionnisme à n’en pas douter.

Considéré lui aussi comme un monstre sacré dans cet exercice qui l’a occupé une bonne partie de sa carrière de comédien, Jacques Frantz était connu pour être d’une immense gentillesse. D’un talent incroyable et d’une vérité confondante dans ses prestations au micro, il a marqué de façon indélébile le métier. En véritable illusionniste, il a su subjuguer toute une génération de spectateurs en se rendant à la fois invisible et incontournable sur les acteurs qu’il doublait. Il avait tout simplement un registre de jeu infini, au service de son Art, la Synchro.